FLORENT BRARD

Interview fait fin novembre, par  " Vélo-Magazine "

* Qu'est-ce qu'il y a de bien chez Marlux ?

-- Florent  --  " Je n'entends jamais un coureur se plaindre. Il y a un esprit bien différent de ce que j'ai connu au C.A  où tout le monde se plaint et où, pourtant, il y a tout. Là, petite équipe, petits moyens et tout le monde est content.  On est au départ des courses, il n'y a pas de briefing parce que Jos Braeckevelt passe avant le départ das les chambres. Il demande : " Tu veux rouler aujourd'hui ? " C'est oui ou non, mais il  fait confiance. C'est une autre façon de faire, sans pression.

* Vous avez été immédiatement accepté par les coureurs belges ?

-- Florent  -- " OUI, mais j'ai de la chance, Jos BRAECKEVELT m'aime bien. Je faisais ce que je voulais. La seule fois où il met la pression, c'est quand il dit : " On voit les résultats à la fin de l'année." Il sait bien qu'on ne peut pas marcher toute l'année. Si un gars fait un bon en début de saison puis disparaît, il le sermonne un peu mais, à la fin de l'année, il va le garder. J'ai l'impression que l'ambition ne dépasse pas la valeur réelle de l'équipe. C'est une saine pression."

* Vous allez donc vous retrouver au sein de cette nouvelle équipe, Chocolade Jacques, qui est sans doute un pari amusant, mais il n'y avait pas moyen de revenir en france ?  -- Florent  --  " J'arrive à un âge (28 ans) où je dois avoir des résultats et je suis déjà bien content d'appartenir à un groupe de 1ère division. J'ai eu des contacts avec des équipes françaises, mais le sponsor n'a pas voulu d'un coureur avec une casserole dans le cul.  Après il y a eu Ragt Semences, mais j'ai envie de prendre le départ d'une course en cachant qu'on peut gagner."

* Cette équipe vous proposait pourtant d'être leader ?

-- Florent  --  " J'aime bien courir pour moi, mais j'aime aussi la course d'équipe. Quand je vois D.Bruylandts en tête,

qui court souvent mal, je suis content et j'ai envie de rouler pour lui. Je ne suis pas sûr que j'aurais trouvé ça dans

cette formation française dont j'ai peur que l'ambition consiste seulement à terminer dans les dix premiers."

* Quand on est resté 15 mois éloigné du peloton, est-ce dur de se reconstruire ?

-- Florent  -- " Disons que cette longue période m'a permis de changer ma vision de la vie. Avant, pour moi, les

professionnels c'était des dieux. Maintenant, avant le sportif je regarde l'homme. Le statut de champion ne suffit pas.

Un champion peut être un bon mec comme un vrai sale type. Est-ce que c'est dur de se reconstruire ? J'ai beaucoup

appris. En quinze mois, je suis reparti deux fois à zéro. Après ma chute dans le Midi Libre, avec de très grands

problèmes de dos, puis après ma suspension, qui est intervenue neuf mois après mon contrôle positif à un corticoïde.

Je peux dire que la reconstruction est facile parce qu'en partant de rien on sent la progression chaque jour, elle est

palpable. Je sais que cette expérience me sera profitable."

* Si physiquement, cela n'a pas été trop dur, socialement cela a été compliqué après avoir eu le sentiment d'être exclu  ?

-- Florent  -- " Je n'attendais rien de personne. Dans mon histoire, je n'en veux à personne. Roger Legeay m'a viré, il avait des raisons. Mon regret est que si je n'avais pas eu cette gamelle au Midi Libre, j'aurai eu des résultats.  J'avais fait un très mauvais début de saison en grande partie à cause de moi, mais je m'étais remis en cause. Je sentais que je revenais bien." (7ème du chrono des 4 Jours de Dunkerque)  Et puis il y eut cette chute dans la 2ème étape du Midi Libre.

* Cette chute, il en reste quoi ?

-- Florent  --  " Je n'ai pas eu le temps d'avoir peur. Je revois le poteau et puis le bruit. Je me suis relevé, je voulais repartir, je cherchais mon vélo, mais je ne voyais plus rien. C'était tout blanc. Dans ce moment-là, on ne pense pas à l'avenir, seulement à ses douleurs, j'ai toujours eu du mal à me projeter dans l'avenir. Je vois à court terme. Je me suis tapé deux mois de corset vissé, j'en ai bavé énormément parce que, même allongé, sans oreiller, sans bouger, j'avais mal tout le temps. Et puis, je suis remonté sur mon vélo en juillet, à 25 km/h. Je ne sais pas si c'était une connerie de redémarrer au Tour de l'Ain parce que j'étais heureux de retrouver le jouet dont je venais d'être privé. J'étais plein de bonnes intentions. Le vélo, c'est ma vie. Je ne suis pas un mec qui regrette. Je dis toujours qu'il vaut mieux vivre avec des remords qu'avec des regrets."

* L'erreur commise est de ne pas avoir fait consigner la prise d'un corticoïde sur votre carnet de santé. Des remords ou des regrets  ?

-- Florent  -- " Je suis un peu fataliste avec ça .... Franchement, ce jour là, dix jours avant le Tour de l'AIn, c'était la énième fois que j'allais voir ce toubib près de chez moi et j'y allais comme un patient qui avait mal. JE N'ETAIS PAS COUREUR CYCLISTE, MAIS UN HOMME CASSE DE PARTOUT qui en avait marre de faire des nuits blanches. Mon erreur est d'avoir arrêté d'être coureur cycliste quand j'ai reçu cette infiltration pour n'être qu'un patient. J'ai su 3-4 jours avant le départ que j'allais reprendre au Tour de l'Ain. Quand j'ai reçu le papier m'avertissant du contrôle, j'ai pris une baffe. Je suis allé voir le médecin, il a téléphoné à la fédération, au médecin A.MEGRET et personne n'en a tenu compte. Et mon affaire n'est pas finie."

* Votre dossier est parti à l'UCI, est revenu en France et puis a beaucoup traîné.... 

-- Florent  -- " Au mois de décembre j'aurai dû être fixé. Dès que je recvais une lettre, j'y donnais suite dans la journée. J'ai attendu un recommandé pendant 2 mois et, quand je l'ai reçu, on me disait de refaire tout le dossier parce que j'aurais dû écrire une lettre moi-même. Deux mois pour ça !  J'ai été fixé sur mon sort le 25 mai pour un contrôle du 15 août. C'est dommage, mon image est écornée. Je sortais d'une année 2001 où tout m'avait réussi et puis voilà... c'est la roue qui tourne... "

* Vos bons résultats 2001 vous ont-ils aidé ?

-- Florent  -- " Je ne vis pas avec le passé, mais ces résultats m'ont fait prendre conscience de mes capacités. Je sais que je peux faire mieux parce que je suis un coureur tout neuf. Avec mes deux saisons à 20 000 bornes, je ne me suis pas grillé."

* Avez-vous encore des rêves ?

-- Florent  -- " Un mec qui ne se projette pas dans l'avenir n'a pas de rêves, mais j'ai une vie de rêve en faisant ce que j'aime. J'aimerais plus tard m'occuper de jeunes parce que j'ai toujours été sensible à le formation. J'ai eu que de bons mecs qui m'ont transmis leur savoir et leur passion. Oui, j'aimerais être comme eux. Je n'ai pas oublié l'image du petit Brard qui regardait les pros. Quand je vois un gamin qui me regarde, c'est un regard qui ne me trouble pas. Pas celui-là ...."   (photo : Critérium d'Hellemmes)